Le désenchantement national d’une politique et d’une
pratique du pouvoir exprimés depuis des dizaines d’années ont laissé place au
cauchemar devant une situation d’oppression général unanimement constatée qui
tend à suffoquer par tout moyen la possibilité d’espoir de tout véritable
changement. Le prix de cette longue léthargie politique ne donne point d’espoir
dans l’émergence d’un dragon économique susceptible d’apporter la prospérité
générale comme il s’est produit auparavant en Asie, mais plutôt un pays ruiné ou
le monopole politique n’aura servie qu’a faire du pays une propriété privé d’une
minorité rentière sans projet.
Les dénonciations croisées de l’intérieure et de
l’extérieure contre cet état de fait n’ont eu que l’effet pervers de
l’entêtement et de la fuite en avant d’une autorité aux horizons figée et
incapable de procéder à la moindre manœuvre qui puisse mettre à niveau la
gouvernance du pays avec les aspirations légitimes de ses habitants et les
règles de la rationalité. Cela nous à conduit à cette situation unique ou toute
une société se trouve soudain trompée par une minorité autocratique qui à tout
accaparé et qui prend son butin de pouvoir pour des intérêts dont il ne lui
reste qu’a se défendre pour les conserver. Cela donne l’impression unanimement
partagée de nous trouvée dans une situation d’otage dans notre propre pays sans
moyen de faire face à l’abdication de souveraineté et à la soumission dont on
cherche à nous faire avaliser. C’est ainsi que s’annonce la république de demain
et que beaucoup perçoivent les élections d’octobre prochain.
Tous les mécanismes ordinaires de la dialectique politique
et sociale semblent bloqués, résultat d’une politique minutieusement préparée et
mise en application avec la plus grande précaution ou rien n’a été laissé au
hasard et qui ne connaît pas l’improvisation dans le but de garder le monopole
d’un pouvoir exclusif et sans partage par une autocratie corrompue et accablée
par l’exercice continu d’un pouvoir autoritaire durant tout le dernier moitié du
siècle écoulé. Le pouvoir qu’elle détient est devenu son dernier refuge et son
unique garantie pour échapper à toute responsabilité et repousser l’heure du
bilan.
On est face à la singulière situation ou tout semble
suspect assiégé d’aridité tel un désert ou plus aucun projet ne peut aboutir et
ou la survie même ne peut continuer que sur le compte d’une dignité contestée et
de plus en plus difficile à préserver. La vie tourne en rond au présent immédiat
et le quotidien devient l’essentiel de toutes nos préoccupations. Ce piège
auquel nous sommes pris risque de se renfermer définitivement liquidant
l’histoire de tout un pays et fermant définitivement toutes les expectatives
d’avenir que ses générations successives ont nourrie. Le constat est déjà
présent dans l’esprit des nouvelles générations qui voient leur idéaux les
précéder dans l’immigration vers d’autres horizons et n’attendent plus que
l’occasion approprié de les rejoindre pour fuir le risque de finir asservies à
jamais dans leurs propre pays. La Tunisie n’est plus qu’un quai de débarquement
pour tout ceux qui veulent fuir la médiocrité et espèrent encore réaliser leur
destin dans des conditions de liberté.
Le travail, un privilège qui n’est plus à la porté de
n’importe qui, il ne constitue plus même pour les chanceux qui parviennent –
dieu sait comment- à le décrocher la base d’un projet de vie, mal payé, exercé
dans des conditions de sujétion, sans véritables garanties qu’il soit en secteur
public ou privé ce n’est plus qu’une école de l’humiliation et des élans brisés
par les déceptions avant de tomber dans les marasmes ordinaires de la tyrannie
et de la corruption généralisée. Le mariage et la fondation d’une famille
semblent de plus en plus un archaïque objet de préoccupation dans un pays ou la
moyenne d’age de mariage à dépasser les 35 ans et qui a initié sa régression
démographique avant d’atteindre sa phase de développement.
Quand un pays ne constitue plus la patrie de l’idéal de ses
enfants, on n’a plus besoin d’être savant et d’étudier la politique ou
l’économie pour comprendre que rien ne va plus.
* * *
Je ne suis qu’un otage malgré moi dans ce goulag qu’est
devenu mon pays. Mon péché et d’avoir osé dire que ça pourrait mieux marcher
autrement. Le bilan de mes trois ans de paria me confirme dans la conviction que
ce pays n’a plus besoin de conseils pour ses tyrans mais plutôt d’en être
libérée.
A cinquante ans on ne garde plus beaucoup d’options dans sa
vie. Quand on se trouve mal adapté dans le système ou on évolue, on n’a pas
d’autres choix entre se soumettre ou s’en aller. J’avais pourtant jusqu’au
dernier moment la possibilité d’empêcher ce conseil qui doit me révoquer d’être
tenu ce samedi 29 décembre 2001 à midi. Le mot rebelle qu’on a cherché à me
coller été très mal adapté, un magistrat ne se rebelle jamais c’est la justice
qui s’enfonce quand elle est manipulée. J’aurai bien pu être aujourd’hui le
magistrat qui à jugé ces élèves médecins de l’Ariana qui ont voulu rejoindre le
proche orient via l’Algérie au nom d’un idéal qu’ils ont érigé en devoir céleste
de Jihad religieux. J’aurai relevé le degré de leur dangerosité et les
terroristes potentiels qu’ils incarnaient. A quoi aurait-il servi de s’arrêter
sur les séances de tortures qu’ils ont subi. A quoi bon s’en tenir à des
complications de procédures qui auront faussé leurs interrogatoires et toute
l’instruction. J’aurai eu pitié de la naïveté de leurs avocats surexcités qui
ont réussi l’exploit de faire fondre toute une salle d’audience en larmes et en
sanglots sans se rendre compte qu’ils passaient diamétralement à coté de
l’affaire que « la justice » avait à traiter. La question qui m’été posé si j’ai
fait le président de leur procès n’a rien à voir avec leur culpabilité. Je
n’avais pas à les punir pour se qu’ils ont fait et heureusement qu’il n’ont pas
échappés pour mettre en application leur sinistre dessin, ils doivent être
condamner pour ce qu’il sont : des terroristes en gestation. Mon devoir devant
la bête immonde n’est pas de lui tenir un procès mais de l’éradiquer, mais par
ces temps difficiles pour notre gouvernement mon devoir est d’être clément et
quelle peine peut être considérée excessive face à la mort inutile à laquelle
ils se sont voués de leurs propre grés en rédigeant leurs testaments avant de
quitter le domicile de leurs parents. Non, je n’aurai eu aucun scrupule à leur
faire subir les jugements auxquels ils ont été condamnés. Je n’aurai fait
qu’exprimer la seule justice que connaît mon pays. Nos magistrats n’ont pas à se
compliquer la vie ni à se faire tourmenter la conscience par des détails qui
n’aurait pas du être rapportés dans les dossiers qu’ils ont à juger. C’est
pourquoi leurs procès sont en rames empilés de dossiers qu’ils ont à traiter à
chaque audience de jugement, ils auront juste le temps de lire à la diagonale
l’essentiel des PV pour déterminer les peines à prononcer. Ces observateurs
étrangers, ces affaires médiatisés et ce nombre excessif d’avocats qui
monologuaient ne sont en fin de compte que des procédés d’obstruction à l’élan
serein d’une justice qui fonctionne bien sans se poser des questions.
Ce système parfait ne m’est pas étranger, je le comprends
très bien et j’aurai pu aussi bien l’assumer sans objection de conscience comme
le font mes anciens collègues en fonction. C’est vrai on n’a pas besoin de
commettre un crime pour être condamné. Dans le dossier de ces élèves médecins il
n’y a aucun crime juridiquement constitué. Dans ce genre d’affaire heureusement
on n’a pas le plus souvent à juger des crimes consommés, ce ne sont pas les
actes qui sont en question mais les personnes même dont la justice se charge
pour séparer la graine de l’ivraie.
Les jeunes internaute de Zarzis avec tout le tapage que
leur affaire avait fait l’objet auront eu un très bon procès de ce point de vue
et des peines extrêmement réduites. Je n’aurai aucunement trouvé que ma justice
pouvait être tourné en risée du monde entier parce que je les condamnais pour
des bombes à l’acide citrique et des cartes magnétique contrefaites de tirage de
fond qui ne sont que des cartes de chargement téléphoniques devrai-je attendre à
ce qu’ils auront le gaz sarin ou les condamner à être castrés pour ne plus
jamais uriner.
Abderrahmane Tlili candidat comparse des dernières
élections présidentielle avait bien été dénoncé auprès du tribunal de Tunis pour
possession de bien immobiliers à l’étranger et une affaire lui a été intenté
avec titres foncier et preuve à l’appuis quelques mois avant son arrestation en
vain, l’impuissance caractérisée de la justice s’est exprimer dans toute sa
clarté. Le jour ou il vient d’être arrêter ce sont ces même documents qui
serviront à l’accabler, mais est ce que c’est pour ça qu’il est déclassé de
détenteur d’autorité à la catégorie d’objets qu’elle peut traiter ?
Dans l’instruction dont je fais l’objet avec Me Mohamed
Nouri relative à nos activités au sein de l’AISPP l’accusé principal à été
entendu, arrêté, expiré sa peine et relâché sans qu’aucun tribunal ne soit saisi
encore du dossier. L’instruction continue et nous n’avons encore même pas été
entendu et elle peut continuer encore plusieurs autres années. Le rôle de la
justice se limite jusqu'à présent dans cette affaire et de fournir l’alibi pour
nous empêcher de quitter le pays.
Nos Magistrats aujourd’hui ne sont que l’expression fidèle
de l’autorité dans le système à l’intérieur duquel ils sont en train d’évoluer.
Ils ne peuvent se mettre en question sans se mettre en défaut par apport à leur
fonction.
Un quinquagénaire ne peut plus être emporté par ses
passions ni excessif dans ses évaluations. Un juriste de plus doit savoir voir
la réalité telle qu’elle est en toute sérénité et avec toutes les précautions
pour ne pas fausser son jugement. Je me vois personnellement de chaque cotés
dans la logique qui le dominait. Dans notre pays il y a bien deux logiques
opposés et en complète contradiction : La logique de ceux qui ont l’autorité et
celui de ceux qui sont son objet. Dans cette confrontation qui est en train
d’atteindre sa praxis il y a un nouveau pays qui est entrain de se construire
difficilement sur la seule logique qui peut asseoir une véritable démocratie.
Cette logique qui nous manquait encore est celle de la justice et de l’équité.
Le propos n’a pas besoin de discours pour être détaillé.
Depuis la nuit des temps l’homme n’a fait que subir l’autorité arbitraire et
persécutrice des plus forts. L’autorité est synonyme d’arbitraire tant qu’une
théorie d’une justice égalitaire ne parvient pas à s’instaurer. Ce seront
toujours des Takkari, des Sliti et des Ben Hmidane entre autres de ces
adjudicataires du service des sanctions qui continueront à tronquer la vie des
fleurons de nos générations en manque d’espace de réalisation et
d’épanouissement. La réaction de système dont ils sont devenu l’incarnation
prononce, justifie et légitime l’oppression de tout phénomène étranger à sa
quintessence de domination.
Les lois de la dictature, ses appareils et ses hommes de
main font de la synergie de l’oppression le système qu’elle est. Ce n’est qu’au
sommet de sa perfection qu’une dictature est condamnée inéluctablement à
s’écrouler. La démence n’est pas seulement un phénomène pathologique qui atteint
les individus. C’est aussi un phénomène de système, le colonialisme, le racisme,
le capitalisme et le communisme ont connu leur épreuves démentielle avant de
s’écrouler dans des phases déterminés de leur histoire quand ils ont atteints le
sommet au delà duquel ils ne peuvent plus évoluer. Un système de domination à
toujours une tendance à se figer dans sa propre vérité et c’est à partir du
moment qu’il n’a plus de doute sur son efficacité qu’il en devient prisonnier et
incapable de suivre l’évolution. Les plus abominables crimes et les plus pervers
des aberrations peuvent ainsi trouver aisément leur justification.
Le cas Nabil el Ouaer n’est que l’illustration de cet échec
moral d’un système gangrené. Ceux qui se sont accouru pour étouffer l’affaire et
gérer sa mystification tout en assurant impunité et distinction à ses auteurs
sont très vite confortés par la banalité de leur forfait. Le manque de réactions
au degré qu’une telle affaire doit susciter normalement ne fait que conforter
leur succès. Ainsi ils se font distingués et seront promu jusqu’a graviter tous
les échelons pour parvenir au sommet de décision. Ainsi on est en face d’un
système en décomposition avancée que son échec moral l’a coupé de toute
rationalité. Le silence et le manque de réaction que ses hommes de main ont
capitalisé dans leur succès doit en réalité les alarmer, il sont en face d’une
société que plus rien ne surprend des forfait qui peuvent être commis par leurs
administrations quel que soit le degrés d’ignominie. Ne pas douter de cette
éventualité dans l’interprétation de la réaction sociale aux événements qui se
passe dans le pays ne peut procéder que d’un régime dont le ministre conseillé
est en fonction depuis 26 ans.
Ainsi la force morale des arguments dont tout système de
domination finira par se trouver assiégé trouve sa confirmation étoffée et
renforcée par le revers du discrédit par lequel il cherche à l’affronter
annonçant ainsi le début de la pente raide ou il s’est définitivement engagé.
* * *
Je ne veux pas accabler ceux qui espèrent encore, j’ai
moins l’intention de motiver ceux qui feignent d’ignorer ce qui se passe
réellement ni chercher à donner une esquisse d’explication de la situation.
J’aurai pu être dans n’importe quelle catégorie, le phénomène de conscience qui
m’a libérer de mon ignorance et de ma passivité est un phénomène généralisé qui
est en train de ronger tous les esprits dubitatifs, incrédules et hésitants si
l’axe du nouveau pole de rassemblement ne s’est pas encore clairement former et
renforcé la phase du doute et du désaffection à bien commencé dans la confusion.
Chacun à partir de ses propre repères ressent le goulag et cherche à se dresser
contre le destin qui semble lui être assigner jusqu’au moment ou il ne nous
reste plus rien à regretter que les chaînes qui nous ligotaient pour se dresser
contre l’arbitraire et l’humiliation.
A quoi auront servie d’adresser des lettres de bon sens à
Bourguiba et Ben Ali, la naïveté peut susciter beaucoup de sympathie par sa
spontanéité et sa sincérité mais ne peut jamais constituer l’ébauche d’un
nouveau projet. On est en présence d’un régime qui se sépare de sa société par
une logique de système ou le pouvoir n’et plus exercé au nom et au profit d’une
communauté. La justice comme la sécurité son dominé par cette hantise qui fait
de la société l’ennemi à contrôler par un système qui s’est définitivement délié
unilatéralement du pacte social initial dont il tire sa propre légitimité. Nous
n’avons plus que des imposteurs qui miment piteusement avec force d’apparat et
de mystification le rôle d’hommes d’état d’une république de contrefaçon.
Dans son dernier livre « Etat et société dans la Tunisie
Bourguibienne » l’historien Mustpha Kraim souligne avec pertinence et avec des
mots qui ne peuvent souffrir aucune erreur d’interprétation la faute originale
qui a conduit la Tunisie à souffrir le système dont elle continue de subir
l’oppression aujourd’hui : « Les cadres supérieurs - du Néo-Destour à la veille
de l’indépendance – nourrissaient à l’égard de la haute bourgeoisie possédante
et traditionnelle dont les membres avaient soit constitué les cadres de
l’administration collaborationniste, soit intégré le vieux Destour des
sentiments de jalousie et de haine. Du reste ils n’avaient pour la masse du
peuple qu’un mépris hautain qu’ils déguisaient d’ailleurs soigneusement. » (10)
Tel des pieds noir ou mieux bâtards légataires testamentaire d’une colonisation
qui s’est écroulé dans la précipitation. Plus loin l’auteur note sans la moindre
hésitation que « les élites nationalistes avaient été structuré dans leurs
traits de caractère et dans leur mode de fonctionnement sur le modèle de
fonctionnement même du système colonial. » (166) ce constat n’à toujours pas
perdu de son actualité aujourd’hui le peuple Tunisien continu à être orphelin
d’une élite qui ne parvient pas encore à partager avec lui un idéal commun.
Incapable de se franchir des traumatismes de sa propre aliénation l’élite
tunisienne qu’elle soit traditionaliste ou moderniste demeure marqué par ses
réaction de répugnance ou de fascination par l’occident. Cette carence première
continue à l’empêcher de saisir la question sociale en toute rationalité, des
deux cotés on a l’impression que notre élite cherche son autolégitimation par un
devoir messianique de changer la société vers l’authenticité comme vers la
modernité. Jamais acceptée telle qu’elle est, la société Tunisienne est
tiraillée entre deux courants opposés dont aucun n’est capable de voir au delà
de sa propre vérité ni de voir la possibilité de l’appliquer sans dominer toute
la société. Ainsi seul un système de « Wisaya » domination de l’élite a pu
s’instaurer jusqu'à présent. Une élite qui s’est avéré autocrate et rapace dont
la perversion n’a plus besoin à être prouvé.
* *
*
Il serait ainsi de la pure perte du temps d’espérer le
dépassement de cette situation avant de briser le carcan des microcosmes du
pouvoir comme celui de l’opposition et de se libérer définitivement de l’esprit
des clans pour retrouver un idéal commun avec sa propre société dans toute sa
diversité…
Yahyaoui Mokhtar
Tunis le 28 07 2004
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