La démocratie ou
le chaos
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Qu’est ce qui empêcherait un partis (le RCD) qui revendique 2.700.000
adhérents sur les quatre million d’électeurs que compte le pays, et qui n’a
jamais perdu aucun siége au parlement depuis cinq décennies d’affronter
loyalement ses adversaires en toute transparence et en toute impartialité ?
C’est dans cette question que se résume toute la problématique des élections
en Tunisie.
En réalité le mot élection employé ici n’a pas la même signification
universellement reconnue. Des liste établies sur un papier rouge sont
présentés aux citoyens tous les cinq ans pour qu’ils procèdent sous le
contrôle vigilent à leur introduction dans une boite fermée. Les décomptes
ont toujours donné la presque totalité des voix aux désignés.
Un
rituel formel d’abdication
Le
véritable enjeu s’est fait mutatis mutandis et consiste à savoir comment
devenir l’élu de l’autorité pour figurer sur ses listes que le peuple doit
avaliser ? Comme dans tout système totalitaire, un seul critère: la dévotion
totale et inconditionnelle au service de l’autorité, se fondre dans son
esprit et sa mission jusqu'à perdre toute autonomie. La lutte pour
l’ascension devient une lutte dans la déchéance de la soumission. Le
résultat est un parlement qui n’a jamais pris l’initiative d’une proposition
et qui n’a jamais dit non à ceux du gouvernement depuis cinquante ans.
Soulever
la question des falsifications et des manipulations des résultats des
élections peut induire en erreur en laissant entendre que les résultats sont
tellement disputés qu’il suffit de quelques ajustements pour inverser la
tendance des électeurs. Ici il s’agit plutôt d’un concours d’excès de zèle
entre ceux qui sont charger de veillé sur le déroulement du scrutin. Chaque
responsable cherche à prouver qu’il a fait mieux que son précédent et ceux
des autres régions en amenant le plus grand nombre de votants à soutenir les
candidats de l’autorité. Comme l’excès n’a pas de limite on s’est trouvé
maintenant bloqué à un taux entre 99 et 100%.
Les
élections se sont ainsi réduites à ce rituel qui va recommencer le 24
octobre prochain. Dans l’indifférence totale des structures mimés sont
parachuté unilatéralement pour « assurer toutes les garanties à son bon
déroulement » un conseil constitutionnel vient d’être désigné et charger de
la responsabilité de sa régularité et un observatoire national de contrôle
vient d’être monté pour jouer le rôle de superviseur de la régularité de son
déroulement. On aura en outre droit à des dizaines d’observateurs étrangers
qui viendront défiler devant la télévision pour nous assurer qu’ils n’ont
jamais assister à une aussi impeccable opération.
Pour
être rationnel face à autant d’aberration on ne peut que douter de l’utilité
de toute cette parodie si le peuple ne fait que confirmer sans le moindre
accroc son unanimité à avaliser les choix de l’autorité. Ainsi nos élections
se sont réduit en une délégation de pouvoir jamais remise en question aux
élus de l’autorité. En théorie et comme ça se pratique dans d’autres pays,
des élections consiste essentiellement dans le libre choix par le peuple des
hommes et des femmes à qui vont les gouverner. Dans nos élections le choix
est le seul absent qui a toujours manqué, l’autorité n’est jamais remise en
question au nom de la souveraineté. Les élections ne sont que le carnaval de
sa consécration.
Nous
avons ainsi toujours eu des parlements désignés qui tirent leur légitimité
de l’autorité qui les a choisi et qui ne vont jamais s’hasarder à la
contrarier.
Comme
une élection démocratique ne peut être envisagée sans comporter des
candidats d’opposition notre système permet de les faire figurer dans la
nouvelle chambre pour la deuxième fois de notre histoire malgré les refus
répétés des électeurs de leur voter. Ainsi l’autorité a pris des
dispositions pour leur réserver 20% des sièges du parlement indépendamment
des résultats obtenus leur quota leur sera distribuée selon leur ordre
particulier. Ainsi on aura un parlement dont 80% des membres sont élus à 99%
et 20 % élus à 01%. Si les élus à l’unanimité n’osent jamais dire non,
comment peut-on s’attendre de ceux qui n’ont obtenu que l’humiliation du
fiasco de contrarier leur véritable bienfaiteur.
Ce
système est unique du genre par son hypocrisie dans le monde aujourd’hui. Il
sera ultérieurement étudié par les prochaines générations comme la risée
historique de cette époque de médiocrité. Le tunisien n’est pourtant pas
idiot à ce point, il ne fait que répondre au mépris par le mépris jusqu'à
ridiculiser le système dans sa totalité. Il sait mieux que quiconque le
complot qui le fondait et qui l’empêche jusqu'à présent de l’exercice
souverain de ses droits et de ses libertés. S’il s’est délivré du
protectorat étranger il continu de subir une protectorat interne plus
hideuse et moins évoluée dont la seule démocratie qu’elle lui a reconnue se
résume dans cette contrainte humiliante à laquelle est soumis tous les cinq
ans pour lui faire extorquer son consentement à continuer à subir la loi de
ceux qui font l’autorité en son nom devant l’étranger.
Une
société bloquée
Pour
justifier l’amendement de la constitution dans le sens du prolongement du
mandat actuel du président libanais pour trois ans un député libanais
avançait qu’il n’y avait pas que la constitution comme source de
légitimation, la légitimité peut être aussi justifié par des considérations
stratégiques pour conclure que l’intérêt stratégique du Liban légitime la
reconduction.
Sans
verser dans un débat juridique sans intérêt pour le sujet, ce dernier
exemple démontre la quête de justification qui anime aujourd’hui les
formations au pouvoir dans notre région devant l’impasse du blocage dont ils
sont confrontés. L’élite postcoloniale dans notre pays comme partout dans le
monde arabe ne s’est pas assuré uniquement le monopole politique ces cinq
dernières décennies. La politique n’été que le moyen de s’assurer le
monopole de tout le pays au dépend d’une société recluse dans l’exclusion et
la précarité. Élargir la base populaire du pouvoir conduit nécessairement à
une ouverture sur d’autres couches sociales dans le partage du butin du
recel d’autorité par lequel le pouvoir est exercé. Ces « élections » ne sont
que la démonstration de la nature de ce compromis qui la régit. Un consensus
d’intérêt sur le renforcement de l’autocratie couvert d’un discours trompeur
sur l’ouverture le pluralisme et la démocratie.
Ainsi la
Tunisie n’a pas échappée à la règle du blocage généralisé que connaît notre
région. La triste réalité dont tout le monde est conscient maintenant fait
que les régimes en place sont aujourd’hui le plus grand facteur
d’obstruction au développement de nos pays et de leur évolution.
Si on se
libère des métaphores qui nous ont été inculqués pour fausser notre lecture
de notre histoire on ne peut pas se tromper sur la nature du compromis par
lequel la transaction de l’indépendance avait été conclue avec un clan du
parti au prix de la destruction du mouvement national indépendant.
Le
résultat fut un conseil institutionnel monocolore dominé par le clan de
Bourguiba qui aussitôt désigné premier ministre procède à la destitution
d’un roi pratiquement sans autorité pour être désigné président d’une
république sans élection et qui n’a pas encore de constitution. Une fois
expirées les mandats que sa fausse constitution lui donne droit son clan le
désignait président à vie. Son successeur n’a fait qu’appliquer
scrupuleusement la logique du système qu’il a fondé.
Unanimisme sectaire
Les
scissions opérés au sein du parti unique et dont sont issu des partis
d’oppositions tel le Mouvement des démocrates socialistes (MDS) et le partis
de l’unité populaire (PUP) ou celles résultants du fractionnement de ces
derniers parti libéral et forum démocratique (FDTL) et ultérieurement l’UDU,
comme les groupuscules issu de la contestation estudiantines du début n’ont
pas réussi à transformer le système dont ils sont issu. C’est plutôt le
contraire qui s’est produit. Nous observons aujourd’hui une opposition
unanimiste dans les faits avec un discours contestataire qui joue
parfaitement le rôle solidaire d’un système dont le plus important besoin
maintenant est de tromper sur sa nature totalitaire que cette opposition
remplit parfaitement.
A la
veille du 26 mai 2002 quand les résultats du référendum sur l’amendement
constitutionnel ont été proclamés cette proclamation signifiait dans le sens
commun des citoyens la reconduction du président Ben Ali pour un quatrième
mandat par l’approbation de 99,52%. Score identique aux résultats obtenu en
1999 pour sa présente investiture 99,41%. Présenté au parlement cet
amendement dont le principal objectif été de résoudre la question de
reconduction a été adopté à l’unanimité. Opposition et majorités confondues
aucun député n’a dénié s’opposer.
C’est ce
qui fait que le président Ben Ali se trouve aujourd’hui dans cette
singulière situation d’être seul à pouvoir assurer sa propre succession. Les
précautions prises pour assurer un semblant de pluralisme à la parodie par
la présentation d’autres candidats fantoches en concurrents ne fait que le
confirmer.
L’opposition se trouve ridiculisée confondu à sa logique d’unanimité au
parlement. Son rejet par les votants ne peut tromper sur sa juste
interprétation. En se prêtant au rôle humiliant de réplique elle ne fait
qu’attester qu’elle ne fait plus partie de l’avenir de notre pays mais du
système de son passé.
Notre
histoire est jalonnée de documents fanfarons de déclarations d’intention qui
n’ont jamais trouvé chemin d’application. De Aahd El Aman de 1855 à la
proclamation de la république du 25 7 1957 jusqu'à la dernière déclaration
du 7 novembre 1987 combien d’espoirs trahis. Derrière toutes ces déconvenues
l’histoire nous révèle chaque fois des castes successives d’un esprit
corrompu de manigances et de compromis au dépend du destin de tout un pays
qui ont fait toujours penché les meilleures prédispositions vers les pires
des aversions au prix de leur propres intérêts.
Cette
précipitation sur le festin de la dictature que laisse entrevoir ces luttes
de basse cours sur l’occupation des têtes de listes est révélatrice de tout
un état d’esprit qui faute d’un projet a été réduit à s’insérer dans l’humiliocratie.
On ne peut que se tromper quand on bâti toute une stratégie sur des vision
erronées. Dénoncer la dictature et demander l’ouverture est un contre sens
flagrant, parler de démocratie et justifier l’exclusion est aussi aberrant,
défendre la liberté et se tenir au seuil des lignes rouges tracés à
l’étranger ne peut conduire qu’à l’aliénation et la rupture avec sa propre
société.
La
démocratie avant d’être des partis, des courants et des associations dans
des pays comme la Tunisie est avant tout une œuvre d’émancipation nationale
de libération sociale d’un système d’oppression qui lui déni son droit
souverain de disposer pleinement de ses droits et d’exercer librement ses
libertés.
Justice
politique et opposition réelle
Ces
élections constitues l’aboutissement d’une crise de pouvoir d’un système
miné dés ses début par son manque de représentativité que les plus
extravagant scores affichés n’ont pas réussi à cacher. Cet aboutissement à
conduit à mettre l’État face à la société, un état réduit en un appareil
d’oppression protecteur d’une minorité au dépend de l’écrasante majorité du
peuple Tunisien. Le traitement sécuritaire des problèmes politique à conduit
au blocage de toute ébauche d’une solution capable d’éviter au pays une
inévitable confrontation.
La
politique de déstructuration totale des organisations politiques, sociales
et syndicales par leur embrigadement, leur corruption ou leur destruction et
interdiction n’a fait que fausser ou taire leur expression des véritable
attentes des citoyens et à les vider de toute effective représentativité. Le
sort réservé depuis vingt ans à l’union générale des travailleurs tunisien
(UGTT) est un exemple édifiant. La férocité et l’acharnement avec lesquels a
été éradiqué le mouvement étudient n’a pas besoin de commentaire.
L’éradication dont fait l’objet le mouvement Ennahdha n’a rien à voir avec
une quelconque politique de lutte antiterroriste ou de défense des acquis
modernistes contre des islamiste fanatiques et conservateurs. Elle s’inscrit
aussi dans cette politique de déstructuration totale de notre société,
mettant à profit des circonstance conjoncturelles et une exceptionnelle
situation géopolitique pour justifier à travers eux l’avortement de toute
tentative indépendante de bâtir notre société civile et l’opposition réelle
qui répondent aux véritable besoin et intérêts des différentes composante de
notre société et qui peuvent constituer le cadre d’élaboration de son projet
démocratique en gestation depuis 150 ans.
La
Tunisie dont le combat pour les réformes et la démocratie remonte à un
siècle et demi à démontré qu’elle s’est définitivement ancrée dans sa sphère
dans la civilisation universelle et se trouve aujourd’hui confrontée à l’une
des plus importante charnière de son histoire. Elle a un rôle précurseur à
assumer et pour lequel son histoire la prédestiner non seulement envers sa
société mais envers toute sa région. Au cours de ce cycle d’oppression
qu’elle continue d’endurer sa société a prouvé qu’elle est le meilleur
barrage contre toute atteinte a son identité et à sa religion comme à son
attachement à ses acquis modernistes et son irréversible évolution. Elle n’a
plus besoin pour conserver ses valeurs de défenseurs ni de la part du
pouvoir ni de l’autorité.
Notre
pays à besoin aujourd’hui de bâtir des institutions capables de garantir une
justice politique qui permet d’établir une justice économique et une plus
équitable distribution, condition indispensable pour libérer toutes ses
potentialités pour le déploiement de tous ses moyens d’expansion au profit
de tous ses citoyens.
Dans ces
temps d’incertitudes et d’appréhension, nous avons plus besoin que tout
autre moment de conviction pour instaurer l’espoir à la place de l’abîme et
du désenchantement. Notre conviction est que le seul choix sur lequel on
doit tous se prononcer est entre la démocratie ou le chaos.
Yahyaoui Mokhtar
Tunis le 22 09 2004
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